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Santé mentale : le combat silencieux des immigrants | LE MONDE N'EN PARLE PAS | PODCAST

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  • 10 juin
  • 3 min de lecture
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« La santé mentale n’a ni sexe, ni âge, ni couleur de peau », rappelle calmement le sociologue et intervenant communautaire Kouua Maglo, invité sur le plateau de l’émission Le monde n’en parle pas diffusée sur Festib TV. Face à l’animateur, il aborde un sujet encore trop peu discuté au sein des communautés africaines établies au Canada : la santé mentale des immigrants.


Dans de nombreuses cultures africaines, la santé mentale demeure un sujet tabou, souvent relégué au second plan face aux priorités économiques ou familiales. « Nos parents nous ont appris que être un homme, c’est ne pas pleurer, ne pas se plaindre, encaisser sans rien dire », explique M. Maglo. « Mais lorsque les larmes coulent à l’intérieur, sans que personne ne les voie, c’est là que le danger commence. »


Ce conditionnement culturel, hérité de générations, pousse de nombreux hommes – mais aussi des femmes – à refouler leurs émotions. En terre d’immigration, ce refoulement se heurte brutalement à un nouvel environnement où l’expression de soi et la recherche d’aide sont valorisées. « Quand tout semble aller bien extérieurement, mais que l’on dort mal, qu’on est angoissé ou improductif, il faut y voir des signaux d’alerte », prévient le sociologue.


L’adaptation à une nouvelle société, la discrimination, l’isolement, la distance familiale ou encore les barrières linguistiques s’ajoutent aux facteurs de stress quotidiens. Pour Kouua Maglo, ces pressions cumulées fragilisent les immigrants :


« On minimise souvent les effets psychologiques de l’intégration. Pourtant, le déracinement, la solitude et les chocs culturels pèsent lourdement sur la santé mentale. »


Il plaide pour une meilleure sensibilisation au sein des communautés africaines, où la santé mentale reste souvent perçue comme un « problème de Blancs ». Un préjugé qui, selon lui, empêche beaucoup de personnes de chercher l’aide dont elles ont besoin.


La discussion s’est également penchée sur la notion de virilité et le rôle attendu de l’homme dans la famille. « Dans nos foyers, on dit souvent : tu es l’homme, tu dois être fort, tu dois tout porter », évoque l’animateur. « Mais cette image crée une pression énorme. »


Kouua Maglo insiste :


« Être fort, ce n’est pas tout garder pour soi. C’est aussi savoir parler, savoir pleurer, savoir demander de l’aide. »


Il rappelle que la santé mentale ne concerne pas uniquement les hommes. Les femmes, elles aussi, vivent leurs propres blessures : harcèlement au travail, isolement, désillusions amoureuses… « La souffrance émotionnelle ne connaît pas de genre », souligne-t-il. « Ce qui diffère, c’est la façon de l’exprimer. »


Le débat met aussi en lumière un choc de valeurs. Plusieurs immigrants tentent de préserver leur culture d’origine tout en s’intégrant à la société québécoise. Une tension qui, selon M. Maglo, peut être source de malentendus.


« L’intégration, ce n’est pas renier sa culture, mais comprendre le code culturel de la société d’accueil. Si vous ne comprenez pas comment le Québec fonctionne, votre migration risque d’être ratée. »


Il cite notamment les différences dans l’éducation des enfants ou dans la gestion du couple. « Ici, frapper un enfant n’est pas considéré comme une méthode d’éducation, mais comme une compromission au regard de la loi. Il faut apprendre à s’adapter. »


Le sociologue évoque aussi les dérives dramatiques observées dans certaines familles issues de l’immigration : violences conjugales, suicides, drames passionnels. « Rien ne justifie d’enlever la vie de quelqu’un, même si vous avez aidé cette personne à venir au Canada », rappelle-t-il avec fermeté. Il déplore les cas où des hommes, acculés par des séparations douloureuses ou des injustices perçues, sombrent dans la détresse émotionnelle. « Dans ces moments, il faut savoir être bon perdant, se recentrer, et chercher de l’aide. »


Pour prévenir ces situations, Kouua Maglo encourage les immigrants à briser l’isolement et à recourir aux structures d’aide existantes. Le 811 (option 2), service d’info-santé et santé sociale, oriente les personnes en détresse vers des professionnels formés. De plus, la Fédération des associations africaines du Canada a mis en place une ligne d’écoute pour les pères anonymes, un espace confidentiel où les hommes peuvent échanger, se confier et être accompagnés.


La conclusion de l’émission est claire et puissante :


« Apprenez à pleurer, à parler, à partager vos émotions. La santé mentale n’est pas une honte. Elle est une force lorsqu’on apprend à la reconnaître. »


Car, comme le résume si bien M. Maglo :« La santé mentale n’a pas de sexe, pas d’âge, et surtout pas de frontières. »



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